Date : Février 2022
Média : Les Échos
Lien : Marie Blaise, un cas d’école
« La disparition des outils de notre horizon éducatif est le premier pas sur la voie del’ignorance », écrit le philoso- phe Matthew Crawford. Marie Blaize ne peut qu’applaudir ces propos. A 28 ans, elle a entrepris de redorer le blason du travail manuel. Et ce lundi, à Clichy, son école, baptisée Gustave en référence à Eiffel, lancera une formation destinée à 35 futurs électriciens, tous en reconversion professionnelle. Triés parmi 300 candidats, ils suivront un parcours identique à celui des 75 plombiers que l’école abrite déjà dans ses murs, à savoir : trois mois de formation, durant lesquels ils sont rémunérés par Pôle emploi, puis douze mois d’alternance, payés par des entreprises qui les embaucheront à leur sortie d’école. «Lors des entretiens, nous sélectionnons les candidats sur leur seule motivation, prévient la jeune maman. Du surdiplômé au sans diplôme, de l’ancien militaire au réfugié, tous viennent d’horizons différents. Mais ils doivent être ponctuels, rigoureux et avoir l’esprit d’équipe. Sinon, nous les renvoyons. »
Du BTP à la finance
Marie Blaize s’est elle-même imprégnée de ces valeurs auprès de sa famille. Plus encline à jouer avec un marteau qu’à la poupée, et plus campagnarde que citadine, elle a passé son enfance à Bergnicourt, petite commune des Ardennes, entre des parents menuisiers indépendants et un grand-père plâtrier. « Je me construisais des petites maisons en bois, dont je recouvrais le sol avec des chutes de carrelage, se rappelle-t-elle en riant. Nous sommes tous manuels. Y compris ma sœur, qui a monté son entreprise de cheminées. » Mais à bon travailleur manuel, cerveau bien construit. Après son bac, elle a lâché l’équitation pour un bachelor de finance en Australie. Tout en étant serveuse dans un bar. « Je n’étais pas inspirée par le modèle éducatif français , soupire-t-elle. L’Australie montre d’autres façons de réussir. Là-bas, le métier d’artisan est considéré comme très cool, et la motivation l’emporte sur les diplômes. »
Elle a ensuite enchaîné sur un master d’entrepreneuriat en Espagne. Pour gagner sa pitance, elle vendait des bracelets d’entrée en boîte de nuit sur les plages de Barcelone. « Une excellente école de vente ! » assure-t-elle. Une fois diplômée, elle a rejoint une start-up en Allemagne, avant de créer en France Do it abroad, une société de sept salariés, qui aidait les jeunes à partir étudier à l ’étranger. « Nous en avons accompagné 400, chiffre-t-elle. Les voyages aiguisent la curiosité. Je voulais que d’autres gens puissent avoir le même type d’expérience que la mienne. » Pour autant, elle reste attachée à ses racines nationales et avoue une petite faiblesse pour la culture bretonne.
Soucieuse d’aller plus loin, d’avoir un impact social et éducatif plus affirmé, elle a fermé Do it abroad pour fonder en 2021 l’école Gustave, en partenariat avec l’école de marketing numérique Rocket School, dont elle s’est inspirée. Cyril Pierre de Geyer, créateur de Rocket School, voit en elle « une femme décidée, passionnée » et un brin têtue : « Il faut parfois lutter un peu pour lui faire partager une idée. Mais lorsqu’elle l’a adoptée, elle ne lâche rien. »
L’entrepreneur est toujours surpris par les connaissances en BTP de Marie qui, pour sa part, s’appuie sur l’expérience de Cyril. Tous deux partagent un objectif commun : à l’heure où, selon Pôle emploi, 63 % des entreprises de BTP peinent à recruter, ils veulent leur proposer des techniciens bien convaincus eux-mêmes que la vie vers laquelle ils s’engagent peut être une voie d’excellence. L’architecte de la Dame de fer aurait, sans l’ombre d’un doute, approuvé…